L’indémodable avant-garde

Selon Jean Cocteau, il n’y a pas de précurseur, il n’existe que des retardataires…

Sans vouloir heurter le grand Maître, force est de constater qu’en matière de création, certains disposent pourtant de pas mal d’avance sur leurs petits camarades. Prenez par exemple, le cas de Shiro Kuramata, le célèbre designer japonais mis à l’honneur en ce mois de mars par la toujours sélective et excellente boutique Mur.

L’originalité et la pertinence de ses productions, dont bon nombre sont aujourd’hui exposées dans les musées d’Art Déco, se sont imposées avec une telle évidence qu’on peut en effet se demander pourquoi les autres n’y avaient pas songé avant.

Kuramata, cet architecte d’intérieur proche d’Ettore Sottsass et membre du groupe de Memphis, s’était installé en 1988 à Paris pour développer un style singulier bâti sur l’humour et la poésie au service d’une quête de la légèreté et du minimalisme.

Mur. vous propose trois de ses créations emblématiques.

Tout d’abord la série de meubles Progetti Compiuti avec le splendide PC/12 monté sur roulettes et nanti de 49 tiroirs. Sa structure en frêne teinté noir et ses tiroirs asymétriques et de dimension variable laqués blanc-mat. Les poignées sont en acier brossé.

Side1/Side2, quant à eux, fascinent par l’originalité des lignes tendances très Lewis Caroll. La structure, là encore sur roulettes, est en frêne teinté noir agrémenté de tiroirs laqués blanc-mat.

Enfin, «How high the moon» (les puristes reconnaîtront le titre d’une chanson du grand Duke) a l’apparence des fauteuils-club. L’assise, les accoudoirs et le dossier, avec leurs volumes simples, font référence au cubisme très apprécié de Kuramata. Son armature est un treillis en métal déployé nickelé et enduit de résine Eposi. Du banal fer, matériau habituellement lourd et prosaïque, le designer en a fait une dentelle qui confère à ces formes imposantes une sensation d’immatérialité et d’inaccessibilité (d’où son nom). Ce fauteuil est par ailleurs irradié d’une splendide lueur spectrale, la lumière s’accrochant et ricochant sur les reliefs en métal.

Bref, un fauteuil séduisant et idéal pour laisser baguenauder ses idées car, comme nous le rappelle Jules Renard dans son Journal : «La rêverie est le clair de lune de la pensée».