A en perdre la boussole

Même si on ne peut que se ranger à l’avis du poète qui affirme sûr de lui «Quand on aime, il faut partir», il y a , je ne sais pourquoi, toujours quelque chose qui retarde le départ, un puzzle de 3000 pièces à finir ou la fragilité de votre plante verte qui se relève péniblement d’une sévère dépression et qu’il serait criminel d’abandonner juste maintenant. Bref. Cette mise en tension entre des injonctions si contradictoires nous laisse parfois dans un douloureux vertige.

Par chance, il existe Cour Intérieure, la boutique qui ignore le fade et le commun en matière de design. Ainsi, Anne Espinasse, l’hôte des lieux, nous éblouit une nouvelle fois par sa proposition de voyage bouleversant de l’Europe à l’Asie, de l’Afrique aux Indes, des années Trente à nos jours ; une exposition qui subjugue par le raffinement et la beauté des pièces. Prenez par exemple l’exceptionnelle méridienne”Pippa” pliable de la maison Hermès (1988) en merisier et fils de cuir conçue et réalisée par la célèbre architecte d’intérieur Rena Dumas. Non moins exceptionnel, une paire de fauteuils en teck et moelle de rotin (1955) de Pierre Jeanneret, le cousin et néanmoins associé de Le Corbusier, dans la singulière aventure de Chandigarh en Inde. Autre pièce à ne pas manquer, la table basse en bois massif de forme libre de Charlotte Perriand du trio de rêve Perriand-Jeanneret-et l’inévitable Le Corbusier. Et que dire du magnifique travail de marqueterie, d’ivoire et d’encre réalisé sur une corne d’aurochs fossilisé, de la grande peinture acrylique contemporaine qui revisite la symbolique du totem ou enfin du tapis sorti en tirage limité de la créatrice Diagne Chanel à l’effigie d’un admirable animal imaginaire.

Définitivement, avec cette exposition, Cour Intérieure nous permet de toucher à l’idéal, rester et partir en même temps. Un voyage au pays du talent, de la créativité et du savoir-faire qui vous sonne tout autant qu’un jet-lag mais bien plus durablement.